"Le projet de loi instituant en France le Contrat Première Embauche (C.P.E) puis son adoption par le Parlement français le 31 mars 2006 entraînent, au cours des mois de février, mars et avril 2006, un important mouvement étudiant et lycéen, soutenu par des partis politiques et par la plupart des syndicats". (wikipedia)
Devant la pagaille généralisée, j'avais écrit cette pochade...
Une gentille caricature du milieu dans lequel j'ai passé l'essentiel de ma vie...
Et que j'aime toujours... malgré ses défauts, ses mesquineries...
Pour la bonne compréhension de certaines répliques, je précise que je joue sur l'analogie entre le sigle C.P.E. du Contrat Première Embauche - projet de loi contre lequel tout le monde se bat et le sigle C.P.E. du Conseiller Principal d'Education (ou de la Conseillère Principale)... l'ancien Surveilllant Général (ou Surveillante Générale) des lycées et collèges...
je vous livre le travail, brut de décoffrage
vous pouvez zapper...
me suis bien marré, à l'époque... me marre encore d'ailleurs...
Scènes de la vie scolaire
(Drame historico-fantastique)
pièce en quatre actes,
un ballet
et une moralité...
Décors :
- nous sommes dans un Lycée-Collège du Midi, en France, au printemps (un printemps très avancé, comme les idées de la plupart des protagonistes), le Lycée François-Ferdinand Lariflette.
- dans une salle de classe puis dans la cour, cour au milieu de laquelle s'élève la statue très moderne et quelque peu abstraite (héritage d'un fameux 10 % artistique...) du grand politicien éponyme (successivement ministre fugace de l'agriculture puis de la culture sous la IIIème République)
- quelques arbres rabougris, des érables du Canada pour la couleur locale...
- somptueux portail en simili fer forgé (s'il est impossible de trouver un tel accessoire dans les réserves du théâtre, on pourra s'en passer)
Personnages (and tze castingue) :
(les rôles seront attribués ultérieurement)-M. Louar, professeur de français et de philosophie marxienne (tendance Groucho), jeune, chevelu et barbu
-M.Frappied, professeur de sport de compétition (toujours en "activité" bien qu'ayant dépassé l'âge de la retraite, souffre en (presque) silence des maux de son âge, véritable héros de la pédagogie appliquée, aux yeux de ses collègues. Grosse tache violette à gauche (naturellement) de son survêtement : le ruban -des palmes académiques
-M. Sical, professeur d'on ne sait trop quoi, la cinquantaine, chauve, barbu, représentant syndical. Doit certainement ses surnoms de "gros cul" ou "fessu " à son anatomie surabondante et au sigle de son organisation (F.S.U.)
-Mme Virgo professeur(e), représentant le syndicat "minoritaire"
considéré comme réac
-M. Loubu, chef d'établissement, ci-devant professeur de travaux éducatifs ("éduquons, éduquons" est sa devise). Ce poste est son bâton de maréchal
-Mme Loubu, son épouse, (presque aussi barbue que le jeune professeur), intendante-gestionnaire
-M. Maidépaz, adjoint au chef d'établissement, ex-prof de SMS, agrégé en langues régionales (option verlan)
-Mme Ducolette, Conseillère Principale d'Education, maigre, l'air sévère
-M. Surgès, Conseiller Principal d'Education, âgé, volumineux, nez rougeoyant, yeux larmoyants
...divers profs, agents de service, surveillants,élèves de tous les sexes, de toutes les tailles, de toutes les formes, de toutes les couleurs (celles qu'ils font voir souvent aux enseignants)
Acte I
scène unique
en classe, beaucoup de bruit mais pas plus que d'habitude...
les élèvesM'sieu, m'sieu, on peut aller à la manif en ville c'te aprèm ?
M.Louar
Quelle manifestation ?
premier élève
ben, la manif contre Ducolette, la CPE
(un ton plus bas) m'a foutu une colle c'te con
M. Louar, souriant
allons, allons, un peu de respect...
deuxième élève
c'est pas la CPE mais le CPE
premier élève
cassez pas les pieds avec le père Surgès, i picole, lui, mais i nous emmerde pas...
troisième élèvel'est complètement givré, ce mec, i comprend jamais rien, c'est pas contre ceux-là de CPE, c'est contre la loi que le gouvernement i veut que les patrons i foutent tous les ouvriers dehors
M. Louar
du calme, du calme... Mais bien sûr, mes enfants, allez manifester ! c'est votre devoir de citoyen ou de futur citoyen...
les élèves, se précipitant vers la porte
merci m'sieu, zêtes chouette
rideau
Acte II
scène 1
début d'après-midi
la cour de récréation, presque vide
M. Frappied
M. Louar
M. Frappied
T'as pas d'élèves ?
M. Louar
non, ils sont allés à la manif...
M. Frappied
y en avait aucun au gymnase, je crois que je vais aller faire un tour en ville
M.Louar
je pense que t'as pas le droit...
M. Frappied
c'est le bordel, alors, tu sais...
M. Louar
ouais mais il faudrait pas qu'on croit qu'on est grévistes...
M. Frappied
t'as raison, c'est pas le moment, j'ai besoin de fric.
Les deux ensemble, rigolards
on n'a pas d'élèves
on n'est pas grévistes
on sera payés
Acte II
scène 2
même endroit
les mêmes plus M. Sical
les deux, toujours rigolards
salut, gros cul... ça va ?
M. Sical
vous n'allez pas à la manif ?
M. Louar
on peut pas, on est en service...
M. Sical
c'est facile, ça ! vous croyez pas qu'il faudrait penser à aider un peu les jeunes...
M. Frappied
et comment ?
M. Sical
il faut se mettre en grève
Les deux, plus du tout rigolardsTu crois ??
M. Sical
ouais, c'est notre devoir.
demain matin, assemblée générale, vous viendrez, je compte sur vous... Salut, faut que j'y aille...
les deux, restés seuls et plutôt abattusquel emmerdeur !
M. Louar
l'est chiant, le collègue... m'en vais me foutre en maladie
M. Frappied
moi aussi, je vais leur planter huit jours en attendant que ça se tasse...
les deux ensemble, un peu rassurés
Heureusement que nous sommes fonctionnaires !
Acte III
scène unique
"récréation" de 16 heures
salle des professeurs
une quinzaine de présents
brouhaha
fumée
M. Sical frappant dans ses mains
un peu de silence s'il vous plaît
calme relatif
je ne vous retiendrai pas longtemps, je vous demande de venir à l'assemblée générale à 9 heures, demain en salle de réunion... je mets une affiche sur le panneau syndical... nous discuterons du mouvement...
un profet discuter de quoi ?
M. Sical
de notre action pour apporter un soutien aux élèves
un autre profqu'est-ce que tu proposes ?
M. Sical
la grève !
réactions diverses...le professeur catalogué "à droite"
tu trouves qu'il y a pas assez de merde comme ça...
M. Sicaltoi, ta gueule, on sait de quel côté tu es...
entrée de l'adjoint au chef d'établissement
M. Maidépaz
mesdames messieurs, il y a des élèves dans la cour...
M. Sicalvous, vous n'avez rien à foutre ici, on collabore pas avec l'administration !
rires, M. Maidépaz s'en va, penaud
une jeune professeur(e)
tu as tort de lui parler comme ça, c'est lui qui fait nos emplois du temps...
un prof
qui va la décider cette grève ?
M. Sical et Mme Virgo ensembleon votera
le prof "de droite"
à bulletin secrets ?
Mme Virgo
non à main levée, comme ça on verra ceux qui se dégonflent...
les gens se lèvent et se dirigent vers la cour
discussions animés en petits groupes
l'enthousiasme n'a pas l'air d'être au rendez-vous
Mme Virgo, M. Sical ensembleà demain !
rideau
Acte IV
scène 1
17-18 heures cour de récréation au pied de la statue de l'Illustrele chef d'établissement, sa femme, son adjoint 5 ou 6 membres du personnel dont MM Louar et Frappied, Mme Virgo, M. Sical
M. Loubu
Je vous ai demandé d'attendre un peu avec moi car j'ai eu un coup de téléphone assez inquiétant émanant de la mairie. Il y a eu des incidents au cours de la manifestation et après... il semblerait que certains de nos élèves y soient impliqués... beaucoup, à vrai dire...
M. Maidépaz
que s'est-il passé ?
M. Louarj'espère que c'est pas grave, je vais rentrer chez moi, je suis très fatigué
M. Frappiedoui, moi aussi, je veux pas faire d'heures supp...
M. Loubuquelques vitrines brisées, le rayon alcool du monoprisu et un magasin de tapis pillés
tous ensembleun magasin de tapis ! pourvu qu'il ne soit pas à un pauvre Africain...
on entend des cris, des rires, des chants...
M. Loubunous allons savoir, je crois que les élèves reviennent
tout le monde se dirige vers le monumental portail et la petite troupe s'arrête soudain, figée devant une vision d'apocalypse
scène 2
les mêmes plus une trentaine d'élèves
ces jeunes ont l'air complètement ivres (certains ont des bouteilles qu'ils portent de temps en temps à leur bouche)
les garçons ont sur la tête un bonnet phrygien (sorti on ne sait d'où) .Les filles n'ont pas eu droit à cette distinction et certaines se sont coiffées de leur culotte. Elles s'avancent, jupes relevées...
Quelques garçons rêvent à la chanson paillarde qu'ils viennent d'essayer d'entonner d'une voix pâteuse et où il est question de "polir le chinois",
M. Loubumais vous êtes fous ! qu'est-ce que c'est que cette tenue ? c'est inadmissible...
un élève, bouche pâteuse, diction hésitante...ben, c'est la gloire... la liberté, on... a gagné...le gouvernement i se dégonfle...
i l'ont dans le cul...
M. Maidépazvous êtes ivres, qu'avez vous fait ?
allez vous rhabiller et rentrez chez vous...
un autre élèvetoi tu la boucles...
on a piqué de la bibine, on est passé chez Saint-Macloud et on a fumé la moquette...
M. Sicalon n'a pas encore tout à fait gagné et nous devons rester dignes,
gais mais dignes,
le combat républicain l'exige
mes chers enfants, comportez vous en bon citoyens ![ à partir de ce moment et jusqu'à la fin de la pièce, l'éclairage de la scène prend peu à peu les caractères de la Lumière Républicaine, qui, comme on le sait, est plus riche en rayons verts et rouges que la simple Lumière Terrestre...]
[ le metteur en scène, bourré comme les élèves, a relu "Knock"... pardon, pardon, ô mânes du grand Jules Romains ! ]
scène 3
Mme Virgo, très émoustillée...Je les comprends, ces chers petits...
elle s'adresse à un élève,
passe-moi un joint...
je vais chercher la chaîne à la documentation et on va danser !
tous les adultes, gagnés par l'ambiance festiveBallet
oui ! oui !
dansons,
buvons,
fumons,
faisons l'amour !ils se prennent par la main et la joyeuse farandole s'élance...
vers où ? nul ne les a jamais revus...
et comme pour Thyl Ulenspiegel, (pardon, M. Charles de Coster) nul ne sait où ils chantèrent leur dernier chant...
apothéose digne de l'Antique
ils sont entrés tout droit dans la légende,
la geste des héros, geste des (demi) dieux
scène 4
le récitant, moralisant
c'est depuis ce jour-là que l'on dit :
Paresseux comme un Louar
Bête comme ses (Frap)pied(s)
rideau
FIN