petit roman en vers, parfois... envers et contre tout, toujours
Autres déchirements
Voici la moult ancienne et triste complainte traitant de la véridique et moult déplorable histoire si fort navrante de la petite fille, de sa mère et de leur bourreau
Elle lui avait fait confiance
mais il brisa sa vie, le dément.
Elle avait eu l'imprudence
de lui laisser son enfant,
assise dans la chambrette
au milieu de ses joujoux.
De la gentille fillette
l'homme entrevit un genou...
Elle avait eu l'imprudence
de lui laisser son enfant.
Elle lui avait fait confiance
mais il brisa sa vie, ce dément.
La fillette était très belle,
quelques instants ont suffi
pour que le crime fût commis.
La honte perpétuelle
pour ceux qui brisent les petits !
La punition sera celle
que Dieu inflige aux bannis,
le dam, la peine éternelle
les tourments sans aucun répit.
Elle lui avait fait confiance
mais il brisa sa vie, le dément.
Elle avait eu l'imprudence
de lui laisser son enfant.
Passée la folie cruelle
l'homme se prit à pleurer.
A son cou passant la corde
et l'autre bout à un crochet,
à Dieu mandant miséricorde,
en un sursaut il se pendait.
Et bientôt la pauvre mère
à moitié perdit l'esprit.
Jamais vie ne fut plus amère,
Jamais dieu ne fut plus maudit
Elle lui avait fait confiance
mais il brisa sa vie, le dément.
Elle avait eu l'imprudence
de lui laisser son enfant...
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"en France, les hommes qui ont perdu leur femme sont tristes, les veuves au contraire sont gaies et heureuses…"
(Stendhal « De l’Amour »)
Les mantaragnes
Et voici...
La vieille au longues dents qui bouffa son mari
Et celle qui attend que son époux décède,
Crachotant, elles font un sinistre pari :
Ce vieux cuir fatigué, il va falloir qu'il cède.
Mais encore il tient bon... Dans un jour ou dans cent,
Elle va pouvoir enfin rejoindre cette foule
Des veuves dont la vie si paisible s'écoule
Tout en pleurant d'un oeil et de l'autre riant...
Dieu merci...
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Saluts
Je fus très rarement du côté des vainqueurs…
Je fus très rarement dans le camp des vainqueurs…
Je ne supporte plus le poids de cette chaîne…
Et je ne veux plus voir le peuple de la haine…
Mon seul drapeau est blanc comme en Belle Province
Mais sur un fond d'azur il porte des fleurs d'or
Il a toujours bravé les forces de la mort…
Mon pays survivra dans la foi pour le Prince.
Flamme du coeur sanglant surmonté d’une croix…
Drapeaux de la légende, étendards de nos Rois…
Je préfère bien sûr la main droite tendue
Au poing levé, fermé, des voyous de la rue…
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Révolutionnaires
« Après le Grand Soir, il y aura le petit matin.
Et nous…
nous nous intéressons à ce petit matin ».
Pierre Drieu La Rochelle
...Et même s'il est fou
faut-il aimer son père ?
pardonner son courroux
boire potion amère ?
Leur soir n'a rien comblé
dans la sainte colère
de leurs vœux et de leur faim
de leur honte-misère
Dans la noirceur délétère
la nuit l'esprit troublé
ivre la pensée roule
de la haine au chagrin
La vierge et la putain
sont livrées à la foule
dans le petit matin
très vite leur sang coule
Le viol n'a pas suffi
leur appétit féroce
satisfait à demi
ils ont saisi la gosse
Frapper puis écorcher,
démembrer la petite
éventrer par la suite
la pute la brûler
Un jeune homme vint à passer
vêtu de soie comme le prince
comme un vulgaire bandit
à la lanterne on le promit
Son accusation fut mince
bon ou mauvais
pour l'achever
on le dit prince
C’était un homme de bien
et le bien provoque la rage
quand les hyènes quittent la cage
charité justice pour rien
Mais au cours de sa capture
il blessa force manants
il subit mille tortures
d'innombrables meutrissures
Cet enfant était vaillant
La fureur est sans limite
souillés dans le rut
les restes des victimes
ont déjà disparu
Chiens restent entre chiens
Et comme chiens
ils se massacrent
boivent du sang au goût très âcre
de fange et de purin
Dans l’orgie ils se délectent
d’autres mangent la chair
oubliant l’odeur infecte
qui remonte de l’enfer
Les chiens détruisent généreux
peu de chose reste sur terre
c’est leur terre
celle des gueux
car ils ont failli nos pères
révolutionnaires
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"Et là, pauvre parmi les pauvres, il fit ce pour quoi les pauvres ont une vocation inépuisable, il attendit, immobile et patient" (Michel Tournier - La goutte d'or)
Attente
Immobile et pensif, dans un coin l'homme attend.
Il est arrivé là, il ne sait trop comment.
Il a presque oublié... Le but de sa visite
N'est qu'un lointain reflet mais un doute l'habite.
Il croit se rappeler qu'il faudra repartir...
Un pâle souvenir, un vague repentir,
Par un autre que lui la faute fut commise.
Le pardon ne vient pas, ni la fête promise...
Sous le ciel apaisé d'un monde végétal
Vers la mort, lentement, le vieil homme s'avance,
Il vacille, repart et l'on dirait qu'il danse
Mais le bourreau l'attend, ses crochets sur l'étal...
Magique est la forêt sous les cristaux de glace,
Pierres aux mille feux d'incertains paradis,
Nos croyances perdues, nous sommes tous maudits.
Car c'est bientôt la fin de la terrible chasse :
Nous les avons traqués, nous les avons bannis,
Les dieux nous ont quittés mais rien ne les remplace.
Si la technologie du vain peuple savant
peut agiter partout des baguettes mythiques,
Rien n'est aussi brillant car les brasseurs de vent
Ne peuvent recréer les landes fantastiques...
Jamais ne revivra l'ancien monde fervent,
Le monde de la foi, le monde du serment.
Les dragons sont partis pour les enfers ludiques.
Il n'est plus de donjons ni de cours féeriques.
Nous comprenons enfin mais il est bien trop tard :
Nous marchons dans le noir, tout droit vers nulle part...
...Me hallara la muerte si me lleva...
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"Et de longs corbillards sans tambours ni musique
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir
Vaincu pleure, et l'angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir."
(Baudelaire - Spleen)
Après tout