petit roman en vers, parfois... envers et contre tout, toujours
en guise de récréation dominicale, une petite histoire déjà publiée il y a quelque temps...
Dans un Etat africain soumis à une dictature féroce, le Big Brother-Ubu de service (espèce de mélange de Idi Amin Dada, Bokassa, Mengistu, Mugabé... régime assaisonné de temps en temps d'un petit discours lénifiant pour satisfaire les bailleurs de fonds-censeurs de l'OUA et de l'ONU réunies ), le Président donc élu à la mode bananière, chef du parti unique "républicain du centre national démocratique et populaire" a été vivement impressionné par une émission de télévision. Cette émission était consacrée à l'armement moderne et en particulier à la présentation d'hélicoptères lance-fusées...
Le président convoque son valet-ministre des armées et lui déclare :
"pour lutter efficacement contre nos ennemis héréditaires, les rebelles du sud, il nous faut absolument ces engins...
- oh, oui, mon Président, bien sûr, mon Président... mais... balbutie l'autre, effrayé d'avoir manifesté autant d'audace en un seul mot...
- mais quoi ?
- c'est que, ça doit coûter très cher et...
- sans doute mais tu vas aller en France, te renseigner sur les prix et essayer d'obtenir d'importantes réductions...
- mon Président, si vous permettez, président bien-aimé, les Français sont fauchés et ils ne nous feront plus de cadeaux...
- Débrouille-toi, tu partiras demain..."
Tremblant à l'idée d'un échec possible mais très heureux d'aller passer quelques semaines aux frais de sa chère république démocratique dans ce pays naguère si généreux, notre ministre arrive à Paris... contacte beaucoup de monde au cours de festivités dans les sphères politico-barbouzardes et, catastrophe, constate que le prix de ces bijoux est absolument inabordable pour le budget de son pays et surtout qu'il augmente sans cesse, vue la demande mondiale...
Il en avertit le président qui met fin à ses vacances...
La mort dans l'âme, il rentre au bercail, s'attendant à aller prosaïquement servir de casse-croûte aux crocodiles du fleuve traversant la capitale ou plus délicatement à ses collègues, ministres et ambassadeurs au cours d'une réception présidentielle donnée en son honneur... posthume.
Fort étonné il retrouve un président plutôt bienveillant... L'explication vient très vite : le président a eu une idée géniale... géniale, bien sûr puisque présidentielle...
Le président a vu à la télé un engin volant bizarre, ressemblant à un vélomoteur avec des ailes... il en a déduit que ça ne devait pas coûter très cher... Le ministre qui en a aperçu un au cours de ces pérégrinations hexagonales a vaguement retenu le nom
- ah, oui, s'écrie-t-il, un zuélem !
- tu vas revenir en France et tu vas en acheter un... à deux places"
Quelques semaines plus tard, l'affaire est faite, et l'engin dûment expédié au pays.
Bien sûr sans les fusées, trop chères ou interdites à l'exportation...
Le Président décide de remplacer les tubes lanceurs par... un lanceur de sagaies, en attendant de pouvoir faire mieux....
On organise une démonstration avec de nombreux invités, histoire d'effrayer un peu les voisins.
La tribune présidentielle domine une petite plaine dans laquelle évoluent quelques soldats baptisés rebelles pour l'occasion.
Au fond un rideau d'arbre. Le président se réjouit à l'idée de voir le splendide engin apparaître soudain et frapper les adversaires... au moins de stupeur ...
Et, en effet, le zuelem s'élève au-dessus des arbres. Le lanceur de sagaies, en équilibre, s'apprête à officier quand, pour une raison inconnue, dans un grand fracas l'appareil plonge et s'écrase au sol.
Le Président, furieux envoie son ministre affolé s'enquérir des causes de l'accident sur le lieu du drame...
Le ministre, longtemps après, revient, souriant, tenant dans ses mains un sac assez lourd d'où il sort une tête fraîchement tranchée. Le président, effaré reconnaît la tête de son pilote préféré qu'il avait lui-même désigné pour manoeuvrer le nouvel engin...
Le ministre, apparemment satisfait de son exploit déclare aussitôt :
"Mon Président, j'ai pas trouvé pourquoi le zuelem il est tombé mais je te rapporte la boîte noire..."