petit roman en vers, parfois... envers et contre tout, toujours
Par Lambert Palis (jean-marie)
Et que l'on ne vienne surtout pas me parler d'anticléricalisme primaire ou d'irrespect pour les choses de la religion...
Un nouveau prêtre, tout jeune et fort naïf (l'histoire est très ancienne), à peine sorti du séminaire, fut nommé dans une ville assez importante qui comprenait plusieurs paroisses. La paroisse voisine était desservi par un vieux curé qui s'institua son mentor et se chargea gentiment de guider et protéger le nouveau venu et de lui apprendre les meilleures façons d'accomplir convenablement le Saint Ministère.
Le vieux curé, très patient lui prodigua de nombreux conseils concernant la liturgie mais surtout sur les relations d'un curé avec ses paroissiens et paroissiennes...
Le jeune homme dans sa candeur découvrit avec stupeur bien des réalités qu'il ignorait totalement jusque là... Et que, bien sûr, au séminaire on avait oublié de lui enseigner...
Il mit à profit les leçons de son protecteur, les progrès furent rapides et les résultats fort satisfaisants. Il s'en tirait très bien, tout le monde était content... Le vieux curé appréciait de plus en plus son disciple.
Il y avait tout de même une ombre au tableau...
Le jeune prêtre n'aimait pas recevoir les confessions des paroissiens et à plus forte raison des paroissiennnes ! Il était très gêné, rougissait, (dans l'obscurité du lieu personne ne s'en rendait compte) bafouillait (comme c'était en latin, il n'y eut jamais de reproches)...
Mais tout cela n'était rien. Son principal et cruel problème venait du fait qu'il était totalement incapable de juger de l'importance de la pénitence à infliger au pécheur agenouillé devant lui et devant ce Dieu qu'il représentait.
Il en tremblait !
Un jour dans le confessionnal un homme s'accusa d'un certain nombre de péchés véniels absolument sans aucun caractère de gravité. Puis à la fin de la litanie, comme s'il voulait dissimuler l'importance de la chose, l'homme murmura : "Je me suis fait tailler une bonne pipe…" Le jeune curé ahuri ne sut comment réagir et le pénitent s'en tira avec trois Pater et une dizaine d'Ave... puis il reçut une absolution facilement acquise grâce surtout à la grande confusion du prêtre.
Pendant le repas du soir, au presbytère, le jeune débutant se sentit obligé de faire part à son maître et désormais ami des scrupules qui l'assailllaient.
- Mon Père, dit-il, je suis dans l'embarras : je ne peux jamais évaluer le degré de culpabilité de ceux qui viennent à confesse et je ne sais pas quelle pénitence je dois prononcer... J'hésite toujours et j'ai l'impression que cela va de mal en pis...
- Mais, mon fils, c'est votre conscience et votre conscience seule qui doit vous guider.
- C'est vrai, reprit le jeune prêtre, mais parfois je me sens vraiment incapable de juger de la gravité de la faute.
- La prière et l'expérience vous aideront puissamment à prendre votre décision...
- Oui mais... tenez, je vais vous présenter un cas concret : vous, par exemple, monsieur le curé, combien donnez-vous pour s'être fait tailler une bonne pipe ?
- Moi, répondit rêveusement le vieux curé en souriant béatement, je donne toujours cinquante francs.
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