Le poste de télévision de mon fils et de ma belle-fille vient de mourir, tube cathodique en fin de course...
Irrémédiable !
A l'occasion de la fête des mères, ils ont décidé de venir nous rendre visite... Trois cent kilomètres... Je vais leur faire un cadeau.
Je me rends à une grande surface en laquelle j'ai quelque confiance et qui présente des appareils "en promotion" à des prix intéressants...
Je décide d'opter pour le "haut de gamme"...
Avant-hier, sur place, je constate que les modèles de téléviseurs annoncés par la publicité ne sont pas présents en rayon...
Une vendeuse me dit qu'ils n'ont pas été livrés...
Bizarre... je fais remarquer que la date est largement dépassée et je dis... gentiment (mais oui, ça m'arrive de faire des efforts)... mon mécontentement.
L'aimable personne me signale qu'en réserve il reste un modèle un peu différent de ceux prévus mais... à un prix légèrement plus élévé...
Je prends.
On m'apporte un grand carton. Je paie comptant...
Le ruban de papier collant qui ferme le dit carton ne semble pas d'origine... mais bof... je n'aime pas les complications.
Hier, avec l'aide de mon fils, je déballe l'engin...
Surprise, c'est le socle qui apparaît d'abord... donc l'appareil a été mal remis en place. Mais l'ensemble est complet...
En recherchant le mode d'emploi nous découvrons un bulletin indiquant que ce poste appartient à quelqu'un qui l'a rapporté au magasin. Une panne légère, apparemment, panne réparée sans doute car l'engin fonctionne parfaitement...
Mais...
Mais... je me retrouve avec un appareil d'occasion en cours de révision...
Appareil que j'ai payé à un prix plus élevé que celui auquel il été vendu... il y a trois mois !!!
Je contacte ce premier acheteur, puisque nom et adresse sont notés sur le bon de commande, et bien évidemment il réagit plutôt vivement... D'autant plus qu'il avait donné ce récepteur à sa fille...
Nous nous fixons rendez-vous pour le lendemain afin d'aller ensemble entendre les explications des responsables du magasin...
Ce matin, prêts à faire un scandale s'il le faut, nous nous présentons à l'accueil et... nous sommes très bien reçus !
Tout le monde sourit et se confond en excuses...
La différence de prix ? il y avait des promotions à l'époque...
Le responsable du rayon me propose un échange tout à fait satisfaisant
... et je repars avec une télé neuve !
Vous me direz que c'est la moindre des choses...
ouais...
Tout le monde en rigole aujourd'hui...
La meilleure dans l'histoire ?
Entre temps, le propriétaire de l'appareil, vérifiant l'installation électrique de la maison de sa fille, s'était rendu compte que le courant n'arrivait pas à la prise à laquelle était branché l'engin... qui n'avait donc jamais été vraiment en panne !
Surtout, si vous le surprenez en pleine préparation, si vous le voyez partir avec ses cannes en fibres de carbone, ses moulinets ultra-sophistiqués, ses appâts époustouflants... ne lui souhaitez pas bonne pêche !
Il vous maudira car paraît-il ça porte malheur.
C'est la bredouille assurée !
dites-lui simplement m... et il sera content.
Ce jour-là, je ne lui avais pas souhaité bonne pêche et pourtant...
A huit heures du matin, il fait très beau, un soupçon de vent marin... pardon de "légères entrées maritimes"... mon voisin affectionne en effet (et utilise très approximativement en fait) le langage météorologique de "ses amis" de l'observatoire du Mont-Aigoual
Patrick me dit "Je vais à Port-Camargue. On va aller pêcher en bateau... le plus grand, tu sais celui du copain Michel qui a la Marina... avec lui et Jean-Pierre, son fils "
Chez nous, quand on ne possède pas, quand on ne sait pas... on est très fier de prétendre connaître des gens qui possèdent ou qui savent...
On est apparemment très généreux dans notre midi...
Trêve de plaisanterie, il est chouette mon voisin. Je l'adore !
Vers midi et demi (faut quand même pas louper l'heure du pastis chez le voisin, moi en l'occurence), je vois revenir mon Patrick la tête basse et la mine sinistre...
D'avance je compatis. Une bredouille de plus ? pas grave, on a l'habitude.
"Non, pas du tout ! qu'il s'insurge dès que je l'interroge... on a fait une très bonne pêche...
-Ah, bon, dis-je finement, attendant la suite, l'air dubitatif
-Ouais, on en a pris au moins une quinzaine de kilos : deux pageots, un marbret, une daurade et des loups, petits... mais "à la maille"
Je m'esbaudis mais je fais l'étonné... car d'habitude, aussitôt arrivé il me met le panier sous le nez... aujourd'hui, rien...
"et ils sont où tes poissons ? le copain a tout gardé ?
- Mais non, tu vas voir..."
et il me raconte...
"Trois heures de pêche, tout va bien, la mer est calme et ça mord pas mal...
tu sais qu'on met, au fur et à mesure, les poissons dans le long filet qui pend du bastingage et plonge dans l'eau. Comme ça, on les garde vivants le plus longtemps possible... plus ils sont frais, meilleurs ils sont"
Je sais... depuis longtemps je connais le refrain.
"Il commence à faire chaud.
On décide de rentrer. Je prends les commandes, c'est un vrai plaisir de conduire un engin pareil... et je fonce, crois-moi...
mais tout à coup, j'ai un doute... je demande "oh,dis donc, Michel, tu as remonté le filet ?
- Non mais j'ai dit à Jean-Pierre de le faire...
je deviens pâle... je hurle
"oh, Pierrot, t'as remonté le filet ?
Non, c'est papa qui l'a fait ! "
Pas besoin d'aller constater la catastrophe !
Nom de Dieu, tu vois pourquoi y a pas de poissons ?"
Et vous, vous comprenez pourquoi le pastis a eu ce jour-là un goût amer.
Les seuls heureux dans l'histoire ? peut-être les poissons s'ils ont pu se libérer du filet déchiré...
Suite de l'article Matabiau 64
Octobre 64...
Douze jours plus tard, gare Matabiau très tôt...
Bien reposé mais le coeur un peu serré, le jeune soldat s'apprête à monter dans le train qui doit le ramener à Albi pour affronter le Conseil de Réforme...
Il regarde craintivement autour de lui et c'est l'horreur !
D'autres militaires arrivent et il se rend compte que tous ont revêtu la tenue d'hiver en gros drap kaki...
Madame de G... dont tout le monde connaît la tyrannie qu'elle exerce sur son Général de mari et par voie de conséquence sur toute la IVéme Région Militaire qu'il dirige en principe, Madame la Générale, donc, a ressenti les premières atteintes du froid et exigé le changement d'uniforme pour tous les trouffions et officiers du territoire administré par son époux, fort brave homme au demeurant, paraît-il...
Et notre ami a l'impression d'être plus nu encore qu'à son arrivée...
Le cauchemar !
Il rase les wagons, s'image être la risée de tout le monde...
Il parvient tout de même à pénétrer sans encombre dans un compartiment, se réfugie dans un coin, se fait tout petit et ne bouge plus...
Arrivé à la gare d'Albi, nouvelle catastrophe !
Devant le bâtiment la jeep de la Police Militaire... la terrible PM !
Alertés par la tenue peu réglementaire et l'attitude hésitante du jeune homme, les militaires l'interpellent... Il parvient à peine à bafouiller quelques explications mais ses papiers confirment ses dires et prouvent sa bonne foi...
Il est embarqué à l'arrière du véhicule et c'est dans cet équipage qu'il arrive à la caserne...
Un sergent-chef qui lui avait manifesté quelque sympathie le prend en charge et lui décrit brièvement ce qui l'attend le lendemain. Il accompagne notre ami jusqu'à son armoire et constate avec lui qu'il ne reste plus grand-chose à l'intérieur... même le casque léger a disparu. Le sous-officier ne s'affole pas et annonce la couleur, il s'agit d'un simple vol et ça n'a rien d'étonnant... mais il faut trouver une grande tenue pour se présenter devant le Conseil de Réforme. Il conseille au jeune d'emprunter les vêtements manquant auprès de ses camarades qui passeront, eux, leur journée en treillis...
L'emprunt se fait facilement... la veste est un peu longue mais ça ira...
La nuit est agitée et le sommeil ne vient pas vite...
Le matin le voit attendant dans un couloir en compagnie de deux autres appelés dans la même situation que lui...
Il a pris la précaution de mettre une bonne quantité de coton dans ses oreilles...
En effet, des collègues plus ou moins bien intentionnés lui ont parlé d'un piège possible : alors qu'il aura tourné le dos pour sortir de la pièce, un des assesseurs l'appellera à voix basse... s'il répond, il est cuit... il n'est qu'un vulgaire fraudeur...
Une trouille supplémentaire...
Une stupidité...d'autant plus qu'il ne triche pas.
Les toubibs militaires de l'hôpital Larrey de Toulouse qui l'ont examiné sont fort loin d'avoir une réputation de joyeux plaisantins...
Une porte s'ouvre en face de lui et on lui dit d'entrer.
Il s'avance, tremblant, vers la table derrière laquelle siègent quelques officiers.
Personne ne le regarde vraiment. Le personnage central (le Président ?) lit rapidement un document, le signe, le fait passer à son voisin et en saisit un autre.
Notre ami reste immobile... Il a la surprise de voir venir se ranger à ses côtés un des jeunes qui attendaient dans le couloir. Le Président étonné de le voir encore là lui fait de la main signe de s'en aller, ce qu'il s'empresse de faire.
Libre !
Encore quelques formalités... restituer les vêtements empruntés, récupérer ses effets civils qui heureusement n'ont pas intéressé les voleurs, retirer son livret militaire mentionnant sa nouvelle catégorie et rendre le paquetage... qu'il n'a plus...
Au magasin le préposé, un appelé proche de la "quille", commence à râler mais notre réformé n'est pas disposé à accepter les récriminations d'un abruti zélé. Il n'a plus rien à faire du réglement. Il essaie d'expliquer puis sa colère éclate. Il crie plus fort que l'autre et se fait menaçant. Les copains qui l'accompagnent calment le jeu.
L'armée, généreuse lui paie le voyage de retour...
Et lui laisse même en cadeau les chaussures de sortie, en réalité assez peu élégantes...
En route pour Matabiau et la Ville Rose...
L'adieu aux armes
La vraie vie peut commencer...