Rubaiyat
(quatrains)
Tant de générosité, tant de tendresse en commençant !... Pourquoi ?
- Et m'avoir abreuvé de délices et de caresses... Pourquoi ?
- Maintenant tu ne songes qu'à déchirer mon coeur.
Que t'ai-je donc fait ? Une fois encore... Pourquoi ?
Quel homme n'a jamais transgressé ta Loi, dis ?
Une vie sans pêchés, quelle goût a-t-elle, dis ?
Si Tu punis le mal que j'ai fait par le mal,
Quelle est la différence entre Toi et moi, dis ?
Vois-tu ces deux ou trois imbéciles qui tiennent le monde entre leurs mains,
et qui, dans leur candide ignorance, se croientau-dessus de tous ?
N'en tiens pas compte : dans leur extrême suffisance,
ils appellent hérétiques tous ceux qui ne sont pas des ânes.
On assure qu'il y a un paradis peuplé de houris,
qu'on y trouvera du vin limpide et du miel.
Il nous est donc permis d'aimer le vin et les femmes ici-bas,
notre fin ne doit-elle pas aboutir à cela?
Autrefois, quand je fréquentais les mosquées,
je n'y prononçais aucune prière, mais j'en revenais riche d'espoir.
Je vais toujours m'asseoir dans les mosquées,
où l'ombre est propice au sommeil.
« Allah est grand ! ».
Ce cri du moueddin ressemble à une immense plainte.
Cinq fois par jour,
est-ce la Terre qui gémit vers son créateur indifférent ?
Puisque notre sort, ici-bas, est de souffrir puis de mourir,
ne devons-nous pas souhaiter de rendre le plus tôt possible à la terre notre corps misérable ?
Et notre âme, qu'Allah attend pour la juger selon ses mérites, dites-vous ?
Je vous répondrai là-dessus quand j'aurai été renseigné par quelqu'un
revenant de chez les morts.
Cette roue sous laquelle nous tournons
Est pareille à une lanterne magique.
Le soleil est la lampe ; le monde l'écran ;
Nous sommes les images qui passent.
quand pour toi viendra l'heure
de retourner ta coupe
fais en sorte
qu'il ne reste rien au fond
Omar Khayyâm (1048-1122)
écrivain et savant persan ( la Perse, aujourd'hui l'Iran)